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SERGUEÏ EISENSTEIN, LE PLUS GRAND DES CINÉASTES SOVIÉTIQUES


Sergueï Eisenstein en 1939
Sergueï Eisenstein en 1939

Le 11 février 1948 à Moscou, le plus célèbre des réalisateurs soviétiques, Sergueï Eisenstein , mourrait d'un infarctus du myocarde dans la misère et la solitude. C'est aujourd'hui l'occasion de revenir sur la vie et l'oeuvre de ce génie du cinéma.

Sergueï Eisenstein et ses parents en 1900
Sergueï Eisenstein et ses parents en 1900

ENFANCE ET FAMILLE


Contrairement à une idée tenace Sergueï Eisenstein n'était pas juif, du moins pas complètement. Son père, le célèbre architecte Mikhail Eisenstein, est né dans une famille de Juifs convertis à l'orthodoxie près de Kiev et a réalisé de nombreux immeubles dans le style Art Nouveau à Riga (par exemple le n°4, rue Strelnieku ). Sa mère, Julia Ivanovna Konetskaïa, est issue d'une famille de marchands orthodoxes de Saint-Petersbourg. Sergueï né en 1896 à Riga mais sa mère l'emmène vivre à Saint-Petersbourg lorsqu'éclate la révolution russe de 1905. En 1910, son père les rejoint  mais le couple divorce et la mère part vivre à Paris, tandis que Sergueï reste vivre dans la capitale des tsars avec son père.


L'ENGAGEMENT COMMUNISTE D'EISENSTEIN ET LES PREMIERS FILMS


Après avoir commencé des études d'ingénieur civil, Sergueï Eisenstein s'engage en 1917 dans l'Armée rouge lors de la Guerre civile russe. Cet engagement le coupe de son père qui s'oppose aux bolchéviques et part vivre à Berlin où il meurt en 1920. La même année, Sergueï Eisenstein est démobilisé et devient décorateur de théâtre ce qui lui donne l'occasion de travailler avec Meyerhold, le directeur du théâtre de la Révolution à Moscou, qui influencera ses théories.

En 1923, Il réalise son premier film, un court métrage burlesque qui doit être diffusé au théâtre, Le Journal de Gloumov, où il est l'un des premiers à utiliser le montage des attractions (un assemblage de scènes ayant un fort impact visuel). Au même moment il réalise aussi des bannières, des affiches et des caricatures pour soutenir la Révolution bolchévique. L'engagement artistique d'Eisenstein en faveur du communisme n'est pas isolé: dans les années 20 de nombreux artistes se sont engagés en faveur de la Révolution en portant une avant garde artistique: les écrivains Isaac Babel, Maïakovski  ou Ossip Brik, les peintres Marc Chagall  , Malévitch  ou Kandinsky  , le dramaturge Serge Tretiakov ... Les affiches, le théâtre et surtout le cinéma sont les arts privilégiés de la propagande communiste car ils peuvent s'adresser à l'ensemble de la population russe encore largement analphabète.


Le Cuirassé Potemkine
Le Cuirassé Potemkine (1905): la scène de l'escalier

En 1925, pour les 20 ans de la Révolution de 1905, Eisenstein réalise Le cuirassé Potemkine qui raconte la mutinerie des marins du cuirassé Potemkine en 1905 (avec la fameuse scène des escaliers d'Odessa où l'armée tire sur la foule ). La même année, il réalise La Grève, un film représentant une grève et sa répression sous le régime tsariste en 1912. En 1928, il réalise Octobre, Dix jours qui ébranlèrent le monde  d'après le livre du journaliste américain John Reed. Certaines scènes sont censurées car elle représente Léon Trotsky (rival de Staline) et Eisenstein commence à être surveillé. En 1929, Eisenstein promeut la collectivisation des terres et la mécanisation voule par Staline dans La Ligne générale.


La Ligne générale, un film d'Eisenstein de 1929
La Ligne générale (1929)

UN VOYAGE EN EUROPE, AUX ETATS-UNIS ET AU MEXIQUE (1929-1932)


Grigori Alexandrov, Sergei Eisenstein, Walt Disney et Édouard Tissé en juin 1930
Grigori Alexandrov, Sergei Eisenstein, Walt Disney et Édouard Tissé en juin 1930

En 1929, Sergueï Eisenstein, accompagné de son opérateur, Édouard Tissé, et de son assistant, Grigori Alexandrov, se rend en Suisse, à Paris, dans le midi de la France puis aux Etats-Unis . Il doit y réaliser une adaptation du roman de Théodore Dreiser, une tragédie américaine (1925), pour le compte de la Paramount mais des désaccords financiers font échouer le projet, c'est Josef von Sternberg qui fera le film. Eisenstein part ensuite au Mexique pour tourner un film sur la Révolution mexicaine de 1910, ¡Que viva México!, mais le film est inachevé et Staline exige le retour d'Eisenstein en URSS en 1932.



STALINE, ARTISAN DE LA GLOIRE ET DE LA CHUTE D'EISENSTEIN


À son retour, Eisenstein est mal vu : Staline et la nomenklatura communiste se méfient de ceux qui ont eut des contacts avec l'Occident. Son film de 1937, Le Pré de Béjine (à la gloire de de Pavel Morozov, un adolescent de 14 ans dont la propagande à fait un martyr du communisme pour avoir été mis à mort par sa famille après avoir dénoncé son père) est mal reçu et Eisenstein doit faire son autocritique. Les pellicules seront ensuite en partie détruites par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale.



Nikolaï Tcherkassov dans le rôle d'Alexandre Nevski
Nikolaï Tcherkassov dans le rôle d'Alexandre Nevski (1939)

Pourtant son film suivant, Alexandre Nevski (1939) est un triomphe, Eisenstein se voit confier la direction des plus grands studios d'URSS, Mosfilm. Il s'agit du premier film sonore du réalisateur avec une musique de Prokofiev. Dans un contexte de tensions croissante avec l'Allemagne nazie, le film exalte la figure historique d'Alexandre Nevski (joué par le comédien préféré de Staline, Nikolaï Tcherkassov ), un prince de Novgorod qui a arrêté les chevaliers Teutoniques lors de la bataille du lac Peïpous en 1242. Eisenstein joue sur les contrastes en opposant des Russes dont on voit les visages et vêtus de noir  à des des chevaliers teutoniques, vêtus de blancs, dont le visage est souvent couvert par leur heaumes . La scène finale, la bataille sur le lac Peïpous dont les eaux engloutissent l'envahisseur, est l'une des scènes de bataille les plus célèbre de l'histoire du cinéma. À la signature du pacte germano-soviétique en août 1939, le film est retiré des salles, mais il est remis à l'honneur lorsque le III Reich déclenche l'opération Barbarossa le 22 juin 1941.


Ivan le Terrible (film de Serguei Eisenstein)
Nikolaï Tcherkassov dans le rôle d'Ivan le Terrible

Staline demande ensuite à Eisenstein de tourner un film sur le règne d'Ivan le Terrible, le premier prince de Moscovie a avoir pris le titre de tsar de toutes les Russies (1530-1584). La première partie du film est achevée en 1944: elle retrace le couronnement d'Ivan IV, la prise de Kazan, puis la maladie de son fils Dimitri. Elle est à la gloire du tsar et de Staline qui se reconnaît dans cette figure historique. Eisenstein reçoit le prix Staline en 1945 et semble au sommet de sa gloire.

La deuxième partie du film est achevée en 1946: elle dépeint un Ivan le Terrible qui sombre dans la tyrannie et la paranoïa et s'achève sur la seule scène en couleur tournée par Eisenstein (grâce à des pellicules Agfacolor prises aux Allemands lors de la bataille de Stalingrad): la scène du banquet. Les couleurs ont ici une valeur symbolique: le rouge représente la colère d'Ivan  tandis que le vert symbolise la mort qui attend le prince Vladimir . La musique de Prokofiev et les danses accentuent la dramaturgie macabre de cette scène. Le film d'Eisenstein joue aussi de la lumière (qui éclaire le visage des personnages), des décors épurés et des jeux d'ombres pour donner une atmosphère expressionniste.


Ivan le Terrible: scène du banquet
Ivan le Terrible: scène du banquet

Bien sûr Staline est furieux car il comprend que la tyrannie et paranoïa d'Ivan IV est une critique qui lui est adressée, le film est censuré (il ne sortira en salles qu'en 1958, quatre ans après la mort du dictateur) et la 3e partie du film ne sera jamais tournée. Eisenstein est dans le viseur du "tsar rouge" mais sa crise cardiaque lui fait échapper à la vengeance. Eisenstein a parfois été qualifié de cinéaste de propagande, il n'a pourtant pas hésité à aller à l'encontre de Staline avec un rare courage, et il laisse une trace indélébile sur le cinéma grâce à sa créativité et son immense talent.

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